Escalier de 23h23

Installation. Exposition Centre d’art contemporain Pontmain, 2022.

LA VIE DES LIGNES

Au début du XXe siècle, les avant-gardes primitivistes trouvent dans la simplicité géométrique et la matérialité brute des totems le chemin de l’abstraction. L’archaïsme resurgit également à cette même époque : les grottes, les alignements mégalithiques ou les tertres funéraires fascinent les sensibilités, soucieuses de la vérité des matériaux, et privilégiant la technique de la taille directe, travaillant artisanalement des blocs de bois ou de pierre. La verticalité et la colonne, symboles des désirs d’élévation, deviennent l’image de l’axe du monde (axis mundi), qui relie le terrestre et le céleste. Constantin Brancusi en réalise la synthèse abstraite avec la Colonne sans fin, qui pose d’importants jalons comme l’abandon du socle et la répétition de modules géométriques.
Il semble que les installations de Sarah Lück assument l’héritage de cette pensée du cairn primitif et de la colonne, motifs récurrents dans l’exposition. D’autres tensions s’expriment dans ses formes : hautement graphiques, certaines structures effilées évoquent les principes d’une sculpture linéaire, permettant d’écrire et de dessiner dans l’espace, en cernant une dynamique essentielle par la ligne, la transparence et le vide. Entre planéité et volume, ces œuvres jouent de l’ombre qu’elles projettent, qui rappelle leur matérialité ajourée. Enfin, le motif circulaire et la vibration ondulatoire des surfaces, que le matériau soit sculpté par l’artiste ou d’origine industrielle, se manifestent dans plusieurs installations.

Eva Prouteau, critique d’art. Extrait du texte d’exposition Centre d’art contemporain Pontmain, 2022.